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Comment vous sentez-vous ?
Une question simple mais qui peut contribuer à changer le monde...
et vous ( accessoirement ;-)
En 1968, une épidémie avait fait un million de morts dans le monde, dont 10.000 en Belgique... sans causer d'inquiétude particulière. C'était la grippe de Hong Kong. Avec la pandémie présente, on ne cesse de nous répéter que les gouvernements ont donné priorité à la santé, même sur la sacro-sainte économie et même sur notre liberté individuelle ! C'est une évolution plus importante qu'il n'y paraît.
Evidemment, la santé est prise ici dans un tiroir très étroit : avoir ou ne pas avoir attrapé le virus. Mais ce tiroir fait partie d'un meuble de beaucoup plus grande ampleur et forte influence : la conscience du "comment je me sens ?". Une conscience qui s'affine avec la question "est-ce que je vais bien ?". Est-ce que je vais bien dans le présent, dans la situation que je vis... Est-ce que je vais bien dans ma vie...
"Salut, tu vas bien ?" est probablement la question la plus posée. Elle en est devenue complètement anodine et amène la plupart du temps la réponse conventionnelle "Oui, et toi ?" sans réel contact avec ce qui est demandé et qui invite à passer à autre chose...
Et pourtant, cette question, déclinée de différentes manières, recèle une grande influence sur les individus mais également sur le monde.
"Est-ce que je vais bien ?" est d'abord un excellent indicateur de ma santé globale : ma santé physique, mais également ma santé psychique, ma santé mentale et même ma santé existentielle, le sens que je donne à ma vie.
Au surplus, cette interrogation peut ouvrir sur un changement massif des choix de vie et des comportements qui en découlent. Et trouver les ressources pour modifier nos comportements, cela a des conséquences sur la société que nous formons. A condition de se poser la question de manière persistante, d'y répondre en vérité profonde, et d'agir en fonction de cette réponse pour "aller vers mieux". S'impliquer pour soi-même rejoint, nous l'avons déjà vu et le verrons encore, s'impliquer pour le monde.
De quelle manière ?
Démarrons avec les gens qui s'engagent activement dans des enjeux citoyens : les militants comme ils se dénomment eux-mêmes. La plupart d'entre eux ont coutume de dire "Moi je vais bien, c'est le monde qui ne va pas bien !". Mais avec les années qui passent et le système qui semble résister à tous les efforts pour le changer (ou le faire tomber), beaucoup de ces activistes vivent de plus en plus des moments difficiles ; un nouveau phénomène émerge, le burn out du militant : un épuisement teinté de dépression sur l'utilité de son combat mené d'années en années. Le remède ? Arriver à enfin changer le système, le laisser s'effondrer ou participer à le saboter ? Ce ne sera probablement pas pour très bientôt... D'ici là, cette petite question "est-ce que je vais bien ?" a le pouvoir de considérablement aider les activistes à être plus en contact avec leur vécu intérieur au sein de leur engagement citoyen. Des approches comme la Transition intérieure ou le Travail qui relie sont dessinées pour les y accompagner. On pourra ainsi éviter de multiples désengagements mais également pas mal des très nombreux conflits entre personnes larvés dans le monde associatif. Car cette petite question nous permet d'être alertés et d'aborder la racine du problème avant d'en arriver aux extrêmes.
De manière plus large et probablement adaptée à toute personne lisant ceci, je me réfère à ce que j'écrivais dans la news précédente sur l'importance de laisser la vie couler en soi et à travers soi, avec l'idée basée sur le principe de néguentropie que "la vie connaît son boulot !". Cette courte question "est-ce que je vais bien ?" est évidemment un fameux indicateur de comment la vie coule en moi et à travers moi. Encore faut-il savoir apprivoiser cette interrogation...
On se dit d'habitude qu'à question simple réponse simple. Mais c'est loin d'être le cas.
Les psychothérapeutes ont l'habitude d'écouter des personnes leur parlant de situations difficiles dans leur vie. Des situations où la tristesse, la peur ou la colère sont perceptibles sous les paroles. De nombreux thérapeutes vont alors accompagner leur patient "sous la surface" des mots en leur posant une question voisine de "comment vous vous sentez en me racontant cela ?". Et ils savent que ce sont les réponses courtes et précises comme "Je me sens triste... J'ai peur... Je me sens en colère..." qui sont de nature à nous amener au coeur de nous-même. Mais ils savent aussi que la plupart des êtres humains ont développé une belle capacité à résister à tout ce qui pourrait les mener au plus profond d'eux-mêmes, là où, croient-ils, réside la souffrance. Et donc, nombreux sont ceux qui apportent à cette question simple une réponse complexe, guidée par le mental, ne lui laissant que peu de chance de les amener au coeur du ressenti et dès lors, au coeur de la guérison de ce qu'il y aurait à faire évoluer.
Et j'évoque ici un échantillon de personnes engagées dans une voie d'intériorité... Qu'imaginer de la capacité de résistance des autres ?
Une aide pour les militants, un indicateur du vivant à l'intérieur de chacune et chacun, voilà déjà deux bonnes raisons de "pratiquer" ce retour à soi au moyen de cette question simple, mais non simpliste : "est-ce que je vais bien ?"
Mais elle n'est pas à cours de ses bienfaits : cette petite question est également un élément déterminant pour ne pas retomber dans les trois pièges principaux que le système a mis en place pour nous garder la tête dans le guidon : le tourbillon du temps qui s'accélère, le tourbillon de l'argent, le tourbillon de la peur. (*)
Ces tourbillons ne fonctionnent que parce que nous ne sommes plus attentifs à comment nous nous sentons lorsque nous sommes entrainés par eux. Se sentir mal avec ce qui se passe et trouver en soi les ressources pour aller vers mieux, c'est la clé de notre bonheur individuel mais c'est également, à terme plus court qu'on ne le pense, une clé majeure du ré-équilibrage du monde.
Une news précédente évoquait le fait que nous sommes un grand nombre à ne pas poser les gestes que le monde appelle car nous nous sommes progressivement désensibilisés, nous avons perdu cette capacité à ressentir ce qui nous va et ce qui ne nous va pas. Me demander si je vais bien est LA porte d'entrée pour reconstruire en nous cette capacité, ce savoir-être.
Les gouvernements ont fait le choix de donner priorité à la santé, le ferons-nous aussi ? Donnerons-nous priorité à cette simple question de, à tous moments, savoir si je vais bien... ou s'il y a quelque chose que je peux faire pour aller vers mieux.
Le jour où "Salut, comment tu vas ?" appellera chez nous une vraie réponse, il va se produire pas mal de choses...
Mais par contre...
Dans les textes récemment publiés et qui concernent ce qui se passe "sous la surface" de la crise sanitaire actuelle, j'ai évoqué différents courants souterrains cherchant à émerger et appelant notre coopération. Si nous laissons ré-ensabler les ouvertures par lesquelles ces courants on fait leur chemin jusqu'à nous, peut-être aurons-nous à faire face à des secousses beaucoup plus importantes que ce petit virus... C'est en tous cas ce que beaucoup de spécialistes de la psyché humaine disent d'un individu : si tu n'apprends pas de la situation, prépare-toi à la revivre, et un peu plus accentuée... Alors, pourquoi cela ne jouerait-il pas au niveau collectif ?
Vincent Commenne pour le mouvement Créatifs Culturels en Belgique
(*) Notre mouvement propose (entre autres) une conférence sur ce thème ; lien ici
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