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Bas les masques !
Un texte pour se rapprocher de nous-mêmes et rapprocher le monde des possibles que nous lui souhaitons
Dans cette newsletter, je vous invite à nouveau à regarder sous la surface des choses. Je n'y traiterai cependant pas des courants souterrains qui, dans la situation de crise sanitaire actuelle, trouvent soudainement des orifices pour émerger.
Je vous propose cette fois d'adopter ce regard qui essaye de décrypter ce que les événements extérieurs peuvent nous dire sur ce qui se passe à l'intérieur de nous, comme individu ou collectivité humaine. Poser ce type de regard peut être vu comme un jeu amusant pour certains, ou comme une possibilité de symbolique fortement enseignante pour les autres. A chacune et chacun d'en faire l'usage qui lui convient.
Voici un bon exemple, spécifique de ces moments très particuliers : le masque !
Considéré au départ comme inutile par certains et crucial par d'autres, mais de toutes manières manquant à l'appel, le masque antivirus et son port ont été largement commentés. Au moment d'écrire ceci, les masques sont revenus dans le champ des disponibilités (finalement on en trouve), de l'utilité (finalement cela protège), et parfois des contraintes obligatoires (ici, vous devez le porter). Bref, il est loin le temps où nous avions un petit sourire d’incompréhension mêlée de compassion en regardant à la TV les japonais déambuler en rue en se réfugiant derrière un masque qui les protègerait de pollutions diverses. Nous y sommes ! Dans les commerces, nous apprécions le fait de croiser un individu masqué et un grand nombre d'entre nous s'écarte si une personne s'approche un peu trop avec, horreur, le visage à nu ! Tout cela est bien humain. Mon point est ailleurs.
Le fait d'être forcés, par les autorités ou notre souci individuel, de porter un masque sur notre visage va faire résonner dans notre inconscient le nombre de fois où nous nous sommes sentis "forcés" de masquer qui nous sommes. Masques extérieurs, masques intérieurs. Dissimuler qui je suis, c'est ce que tout le monde a fait, fait et fera. Y compris l'auteur de ces lignes. Je dissimule pour survivre, ou une de ses variantes plus légères : continuer à être aimé, qui est la plus courante ; ne pas subir de conséquences négatives, qui est l'autre côté de la médaille. Il y a un grand nombre de motivations, toutes légitimes, qui nous amènent, dans pas mal de circonstances, à ne pas montrer ce qui nous anime vraiment, ce que nous voudrions, ce que nous espérons...
Et c'est d'autant plus facile pour les choses qui se vivent sous la surface, celles qui remuent à l'intérieur de nous : nos émotions, nos intuitions, nos pensées, nos objectifs, nos motivations, nos valeurs... tout cela n'est pas marqué sur notre front. Même si parfois les émotions sont plus difficilement dissimulables. Et ceci malgré le fait que notre culture occidentale axée sur le mental et l'agir soit un gigantesque camp d'entrainement à les enfouir, ces braves émotions.
Les masques servent à nous protéger du Covid19. Nos masques intérieurs servent également à nous protéger ! Du moins, c'est ce qu'ils ont fait à un moment. Mais, contrairement aux masques extérieurs dont nous nous débarrassons au plus vite une fois en sécurité, nous avons une fâcheuse tendance à garder le pli du masque intérieur. Et d'autant plus qu'il ne nous est pas conscient.
Et pourtant, il nous empêche tout autant de respirer que les masques-corona. Voire plus...
Et pourtant, il est encore plus influent sur ce qui advient au monde, à notre collectivité humaine et à la planète.
Car il est bien probable que le monde soit ce qu'il est en grande partie à cause du nombre élevé de masques que nous portons et continuons à porter. Difficile de développer ce lien de cause à effet dans une news qui se doit d'être courte pour être lue. J'irai donc vers une approche dense. Mettre un masque intérieur sur qui nous sommes (et toujours pour ce qui semble de bonnes raisons) bloque la vie telle qu'elle cherche à couler en nous et à travers nous. Enlever nos masques intérieurs concourt au contraire à la laisser couler en nous et à travers nous de manière plus fluide. Cela nous vivifie et, en outre, nous fait entrer dans un espace de liberté personnelle et ça, c'est déjà pas mal ! Mais partant, cela fait en sorte que la vie coule plus librement dans le monde. Bien, mais quel rapport avec le monde que nous souhaitons ? Ce qui caractérise la vie, c'est qu'elle rompt avec le principe d'entropie qui guide naturellement toute chose en ce monde vers le chaos et la désorganisation. La vie, elle, manifeste la néguentropie : grossièrement dit, elle va vers mieux !!! N'est-ce pas votre impression que la vie, dans sa globalité, construit encore et encore de la qualité partout sur la planète ? Et l'humain en est, de ce que nous connaissons, son instrument le plus affiné... et en même temps le seul à être capable d'autant bloquer la vie en lui.
Pour donner encore plus de chances à la vie de construire un monde "mieux", bas les masques !
Il y a la crise du vivant, la perte de la biodiversité sur la planète. Il y a la crise du vivant à l'intérieur de la plupart d'entre nous. Nous avons diminué la diversité de vie qui nous est accessible.
C'est sans doute le moment, la prochaine fois où nous retirerons un masque-covid, de nous dire dans la foulée "Assez avec tous ces masques que je me force à porter !". Ce sera une bonne manière d'être encore mieux co-créateur du monde qui cherche à advenir. Et selon moi, ce monde ne sera pas seulement un monde de consommation plus responsable, d'argent plus éthique, de moindre déchet, de moindre empreinte carbone... mais peut-être d'abord un monde de moindre masques. Où chacun et chacune retrouvera la connexion avec ce qui l'anime en profondeur, entrera dans un espace de liberté vraie, et deviendra acteur/actrice du changement sociétal en se donnant la possibilité de s'exprimer pleinement dans ce monde. (*)
Vincent Commenne pour le mouvement Créatifs Culturels en Belgique
(*) Avec plus d'espace, j'aurais rendu clair que je ne fais pas partie de ceux qui diront : "Dès lors, il n'y a plus qu'à laisser faire la vie ! Moi, j'attends en prenant l'apéro...". J'aurais également rendu clair que je suis bien conscient qu'au nom de la liberté retrouvée peuvent se commettre des ignominies ; je m'adresse ici à des Créatifs Culturels, des gens (en principe) animés d'intentions positives.
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